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ARABES, ETIONS-NOUS COLONISABLES ?

Arabes, étions-nous colonisables ? C’est la question que pose le philosophe algérien Malek Bennabi (1905 Constantine – 1973 Alger). Au paroxysme de l’Algérie française il déclare « Pour cesser d’être colonisé, il faut d’abord cesser d’être colonisable ! » Aux prémices de la guerre d’Algérie, sa pensée choque, révolte mais réveille surtout au Maghreb et au Levant les plaies d’un déclin civilisationnel toujours pas cicatrisé.

Non, Malek Bennabi ne justifie ou n’excuse en rien la colonisation, il écrit à ce sujet « le colonialisme écrase toute pensée […] toute tentative de redressement »!

En revanche, à la lumière de l’histoire il explique comment la décadence du monde arabe a facilité sa propre colonisation. Il appelle donc ses contemporains à s’interroger sur les origines de leurs propres malheurs. Ainsi, lutter contre la colonisation est primordial mais pas suffisant, il encourage à une véritable renaissance en profondeur des sociétés arabes. En profondeur ? Oui, il développe l’idée que les réformes des institutions étatiques et religieuses ne suffisent pas, les femmes et les hommes arabes doivent se repenser comme un élèment essentiel et moteur des sociétès; ce sont les individus, leurs pensées et leurs actions qui font la société et non l’inverse.

« le colonialisme n’affecte pas la valeur fondamentale de l’individu »

Il ne peut y avoir de renaissance civilisationnelle sans réforme individuelle, il faut d’abord « Décoloniser les esprits » pour reprendre le titre de Ngugi wa Thiong’o! Le penseur algérien précise son idée en écrivant « le colonialisme n’affecte pas la valeur fondamentale de l’individu, elle échappe à son pouvoir« . Aucune réforme des individus n’est possible sans éducation préalable, et qui dit réformisme sous-entend à minima ouverture au monde … La première imprimerie dans le monde arabo-musulman ne date que de 1728 à Istambul, pour rappel l’imprimerie est née en Europe 3 siècle plus tôt.

Le monde arabe, peut reprocher à l’Europe les fondements idéologiques de l’entreprise coloniale, mais il est seul responsable de son retard philosophique, politique, scientifique et démocratique ! Les sociétés arabes ne peuvent se transformer qu’avec des individus transformés et pleinement conscients de leurs pouvoirs sur la société. Malek Bennabi était un visionnaire. Il avait dejà compris que pour se prévenir de tout néo-colonialisme, il fallait comprendre par l’histoire les raisons du déclin et penser l’individu comme étant un élèment central de la société.

Les monarchies pétrolières bien que privées de démocraties et de certaines libertés (et ne peuvent donc être un exemple à suivre); profitent d’un dynamisme économique, d’un haut niveau d’éducation et d’un rayonnement culturel. Elles ont su accepter et comprendre leur retard mais aussi y rémedier à travers des individus ayant pris conscience (hors du champs démocratique) de leurs pouvoir sur la société.

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